Le choix de la rue ?

SDF à l'entrée de la banque dormant au pied des automates

SDF à l'entrée de la banque dormant au pied des automates

Pensez-vous qu’une personne sans-abri puisse, en toute liberté, faire le choix de vouloir vivre dans la rue ?

Non, non, et non !

 

En tant qu’acteur de première ligne, nous ne pouvons accepter, ce que – pourtant – beaucoup pensent ( peut-être par ignorance ? ) et ce que d’autres disent (peut-être par convenance ?)…

Extrait du Plan Grands Froids Saison 2011  2012:

Le principe général consiste à ce que personne résidant habituellement sur le territoire du RSPL2– quel que soit son statut ou son absence de statut3 – ne se trouve à la rue, sans abri, contre sa volonté1  pendant le période hivernale4.

1. … contre sa volonté1 : Cela sous-tend clairement que certains sont à la rue par leur propre volonté !  INCROYABLE !

Une idée largement répandue.

Nous ne pouvons pas accepter d’entendre dire, ou de laisser sous-entendre qu’une certaine catégorie de sans-abri aurait fait le choix de vivre dans la rue ! ! !

Ceux qui osent le prétendre, le croient-ils vraiment, au fond d’eux-mêmes ?

Malheureusement, j’ai entendu untel (homme politique) se vanter d’avoir tendu une perche à un mendiant qui ne l’a pas acceptée… En réalité, c’est le politicien qui n’a pas su se mettre à l’écoute de la personne, lui préférant cette phrase assassine : « Mais alors, si c’est ton choix , restes-y donc dans ta m… » 

J’imagine, le cœur serré, ce monologue :

– Tu veux que l’on t’aide ?

– Oui, mais…

– Commence par obéir ! Tu n’as qu’à te plier à nos exigences ! Ce n’est pas difficile, puisque les autres y arrivent bien…

Oui, mais…

Ecoute, nous savons mieux que toi, ce qui est bon pour toi.

Oui, mais…

Tu veux savoir ?… Ce n’est pas pour tes beaux yeux que l’on s’occupe de toi, c’est dans l’intérêt de la société…  Pas celle que tu rêves dans ton coin, mais celle que nous voulons tous.

Si un jour vous croisez un pauvre bougre qui vous assure qu’il a fait le choix de la rue, allez-vous vraiment le croire ? Ne restez pas sur cette réponse incongrue, essayez d’en savoir plus ! N’oubliez pas que cet écorché de la vie, que vous voyez sale et négligé, conservera toujours un peu de fierté, et d’amour-propre… Comprenez donc, que c’est par révolte, par arrogance, par cynisme, ou même par crainte, ou pour avoir la paix, qu’il s’octroie le droit de vous balancer cette contre-vérité à la figure !

Ce qu’il aurait pu dire, ce qu’il aurait dû dire, ce qu’il aurait voulu dire, ce qu’il aura peut-être regretté de ne pas avoir dit, ce qu’il aurait pu nuancer, c’est que …

C’est la rue qui l’a choisi ; la rue avec tous ses pièges… Même l’autorité communale, sous protection légale, se transforme en prédateur sournois !

Mais au fond, oui… Celui-là a peut-être fait le choix de la rue, une première fois, juste pour goûter, juste le temps de… Un peu comme celui qui s’évade pour une retraite ou un pèlerinage. Ensuite, il aura probablement fait une seconde fois le choix de vivre dans la rue : lorsqu’il se sera rendu compte qu’il ne pourrait plus en sortir !

Je pourrais rapidement dresser une liste de motivations – toutes valables aux yeux du sans-abri – ; qui fait que la personne concernée ne rejoigne pas tel ou tel abri de nuit… (promiscuité, discipline, handicap, drogue, racket, racisme, refus, etc…)

Mais à quoi bon ! Je pense qu’il faudrait surtout, que l’autorité bien pensante, pense d’abord à rejoindre le sans- abri dans ses retranchements, dans ses faiblesses afin d’entendre ce que cette personne exclue désire réellement.

2. … résidant habituellement sur le territoire du RSPL2 :  Dès lors, sur quelles bases faut-il faire le tri ?

3. … son statut ou son absence de statut3 :  n’est-ce pas la personne qui devrait compter ?

4. … pendant le période hivernale4 :  et le reste de l’année, le sans-abri retourne à la rue ?

Conclusion : Tant que les professionnels n’auront qu’une idée en tête (la réinsertion), ils feront fausse route. Le jour où ils assimileront la notion de réinsertion à celle d’humanisation et de resocialisation, ce jour-là la précarité de rue sera en voie de disparition.

N’hésitez pas à partager ces réflexions avec vos contacts !

11 responses to this post.

  1. On sent bien la révolte de l’auteur et on la comprend. J’ai rencontré un jeune (27, 28 ans, je ne me souviens plus exactement) pour qui vivre dans la rue était un choix délibéré confirmé depuis longtemps. Il n’était ni sale ni négligé, très attentif à trouver le moyen de faire sa toilette et n’avait pas envie de vivre autrement. Peut-être est-il une exception. Nous avions fait connaissance. Il est arrivé que je l’invite chez nous pour un goûter. Il n’est pas venu. Il a mon n° de tél sur un GSM. Il ne me contacte pas. On s’est encore rencontré. On bavarde. Il ne demande rien. Peut-être est-ce important de savoir que cela aussi existe, qu’il faut peut-être en tenir compte aussi et respecter ce choix sans le dramatiser.

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  2. Posted by thibault on 21 novembre 2011 at 13 h 32 min

    la conclusion est très juste, je pense qu’il faut arrêter tous ces discours honteux sur la réinsertion, c’ est inutile d’espérer que le « sdf » se trouve un boulot ou un appartement, il faut comprendre que la rue est une prison en soi pour eux, ils sont piégés, ils ne se voient pas ailleurs pour le moment et dans la plupart des cas je dirais. Quand on est déchiré, qu’une blessure nous fait souffrir, on soigne celle-çi en cherchant les causes et les conséquences qui en font partie, la compréhension de l’histoire particulière autour de cette blessure, la « réinsertion » est une réponse de fuite totale du problème en question de notre part et là réside bien souvent les limites et l’impuissance de nombreux psychologues, éducateurs,…
    IL NE SUFFIT PAS D AVOIR UN DIPLÔME POUR LES AIDER !!!

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  3. Posted by thibault on 21 novembre 2011 at 13 h 44 min

    j’ai rencontré pas plus tard qu’hier un sdf près des guillemins, je l’ai écouté le plus attentivement possible et avec amour, j’ai eu du mal à comprendre son « baratin », il parle non stop, il y a de nombreuses incohérences dans ses propos, il lachait également quelques vérités, le problème est qu’il me semble que cette personne s’est créée un monde à part, j’ai sentit aussi du mensonge et de la mythomanie, il s’est façonné une prison dans son esprit et en cela je ne pouvais pas l’en sortir, je ne peux qu’espérer que sa conscience réagisse suite à la confrontation avec la mienne qui savait qu’il mentait en permanence( mais surtout qu’il se mentait à lui-meme en permanence). Je garde confiance car ces gens là peuvent inverser la tendance et nous révéler des choses importantes sur la vie que l’on ignore peut-etre.

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    • Posted by Olivier on 30 novembre 2011 at 10 h 01 min

      Je suis d’accord avec toi mais méfions nous de nos mots « ces gens-là ». Lors de différents colloques sur la pauvreté j’ai souvent entendu parler de problèmes psychologiques importants chez les personnes « sans chez soi » comme ils disent.
      Le fait de se retrouver à la rue est déjà en soi une épreuve psychologique et les mécanismes de défense qui sont mit en place à ce moment ne sont que les conséquences de la situation et non pas l’inverse. Quelqu’un qui soliloque est-il malade ou est-il simplement seul?

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  4. Posted by Guillaume de Baskerville on 21 novembre 2011 at 13 h 53 min

    Ce document m’amène à quelques réflexions. Où réside encore l’indépendance d’association telle que Thermos si c’est le RSPL qui décide ? Organisme coupole ployant sous la lenteur bureaucratique ? Beaucoup d’associations peinent à trouver des volontaires mais au vue du nombre de réunions d’harmonisation des fonctionnements elles vont aussi devoir en trouver d’autres pour ces moments-là ! On voit aussi repointer, discrètement, le sempiternel désir de réinsertion à tout prix. Or, ce n’est pas moi qui l’affirme mais des immergés dans l’accompagnement de Personnes sans-domicile (comme Michel et Colette Collar-Gambiez ou Jean-Guilhem Xerry), certaines Personnes ne peuvent imaginer se réinsérer. Cela n’a plus aucun sens pour elle de parler d’insertion. Dès lors, avec 7 jours d’accueil par trimestre, l’efficacité de l’accompagnement en vue de la réinsertion n’est plus à démontrer ! Des associations comme « Aux Captifs, la libération » (http://www.captifs.fr/) seraient très heureuses, j’imagine, de connaître la recette miracle de cette réinsertion ! Arrêtons de projeter nos modèles sur ces Personnes. Accompagnons-les et écoutons leurs désirs. Merci à ceux qui vont vers ces Personnes sans aucune exigence et qui, patiemment, retissent les liens distendus ou tentent de les renouer. Après cela, il sera peut-être possible de parler réinsertion.

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  5. Posted by manuchoukri on 21 novembre 2011 at 14 h 25 min

    Je pense qu’il y a des personnes qui se complaisent dans un état d’assistés. Qui profitent de ce que l’on mets en place pour eux. Mais au lieu de juger cet état de fait je l’accepte, parce qu’il me permets de comprendre que chacun est libres dans sa façon de vivre. Si ça me dérange tant pis. Est-ce que mon train train quotidien est acceptable aux yeux des autres? Non je ne pense pas. Il suffit de peu pour se retrouver en situation précaire.
    Ce que fait la ville pour « ses pauvres  » en hivers c’est quand même mieux que rien. Dans certaines villes il n’y a pas autant de structures. Je regrette moi aussi le fait que les abrités, de la caserne par exemple, soient toujours soumis a l’obligation d’avoir un projet. Irma, 59 ans, ayant perdu sa caravane dans les inondations de décembre, l’an passé n’avait pas de projets et a ramé ferme jusqu’au jour ou le CPAS lui a trouvé une place dans une structure d’accueil. On peut quand même souligner le travail fait par la ville.
    Et pour le reste, nous bénévoles, trouvons dans notre accompagnement un moyen d’apprendre sur les autres et sur nous-même. « La faim est plus difficile à regarder qu’à soigner » dit la pub à laTV. C’est difficile de voir la misère parce qu’elle est de notre responsabilité aussi.
    Allé, on ne va pas se retourner sur ce que les bien pensants disent ou font, nous on avance, là, où on est attendu. Les sourires de la rue sont bien plus chaleureux que ceux des nantis pourquoi donc les cacherions nous derrière des murs de béton armé de notre belle cité.
    🙂

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  6. Je pense que ce site montre sa nécessité et sa vitalité…

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  7. Posted by Guillaume on 23 novembre 2011 at 19 h 11 min

    Pour ceux qui trouvent qu’à Liège, « on en fait trop » pour les Personnes sans domicile, voyez ce que Bruxelles ose faire : http://info.catho.be/2011/11/22/bruxelles-des-sacs-de-survie-pour-les-sans-abris/

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  8. Chaque personne sdf a son vécu,chaque cas est différent.Nous ne connaissons pas leur passé aussi douloureux soit il,comment pouvoir résoudre les problèmes?
    Ce sont des etres humains comme vous et moi,mais seulement ils ont « atteri dans la rue,notre regard a changé,il y a eu une période de denigration envers ces personnes.Beaucoup de personnes parlent sans les avoir approchés,sans les avoir écouté,sans savoir d’ou ils viennent.Alors comment peut on résoudre un problème sans connaitre réellement la cause première de leur difficulté?Bien sure des actions sont menées ici ou là par des bénévoles des asbl,mais malheureseument ce n’est pas suffisant. Nous partageons des moments merveilleux en leur compagnie,les voire certains jours,attablés autour d’un café avec des rires,là est le remède contre les différences,nous sommes tous pour un instant sur le meme pied d égalité.Des moments privilégiés…………..
    A VIVRE ABSOLUMENT

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  9. Posted by Aurea on 28 juillet 2014 at 14 h 29 min

    Le problème de la reinsertion, c’est que le public sans abris est vaste: on y trouve de tout: des Malades mentaux dont la place serait plutot en centre spécialisé, des handicapés (idem que ci dessus), des ados ou jeunes en fugue qui devraient être aidé et écouté (certains vivent un enfer dans leurs familles), des jeunes en decrochages social (suite a des problèmes divers qui sont a regler), des travailleurs pauvres qui ne sont pas payés assez pour pouvoir vivre correctement, des sans papiers que certains utilisent comme mains d’oeuvres a bas prix (et le fait divers en boucherie, il y a peu me le confirme), des addicts qui sont accros a des substances illicites (drogues, alcool), des endettés qui cherchent a echapper a la dette via la rue car le quotidien est devenu un enfer, des révoltés qui n’en peuvent plus de cette société neo-capitaliste liberale inhumaine et qui souhaiterais vivre autrement, sauf que ce n’est possible que si on est pété de thunes, avant de decouvrir que le monde entier est axé productivisme. Je ne parlerais même pas des retraités avec une retraite de misère, des chomeurs sans le sous ou des personnes virés tant du chomage que du CPAS parce qu’ils n’en pouvaient plus d’être traités comme des sous-humains.
    Si certaines personnes veulent être reinserrée, parfait, mais il y a une frange dure, notement parmis les jeunes, mais pas qu’eux qui ne veulent pas se reintegrer dans la société, parce qu’ils n’en peuvent plus qu’on leurs disent qu’ils ne valent rien parce qu’ils ne sont pas « productif »….en attendant ce qu’ils voient ( et je l’ai vu aussi en ayant été en rue, de l’exterieur) que ceux qui vivent de ce productivisme, ce n’est pas eux, leurs familles ou leurs enfants mais une petite frange de la populace pour qui tout le monde se soumet.

    La vie en société est devenue un enfer, le choix du métier, de creer son metier, son affaire n’est plus possible pour la personne qui part de rien, sans argent, idem concernant le fait d’avoir le minimum vital….on voit très bien que le but est : « si tu n’est pas productif ou pas assez a notre gout, tu te dois de crever et dans la souffrance si possible »..

    Je recommande a certains de lire les livres de Pinçon-charlot ainsi que l’etude ethnologique de la tribu Iks, survivre par la cruauté. Car c’est ce que fait la société: « peu importe les autres, ma famille, ect, tant que moi, je survit ».

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